Article : Crise des institutions de soin et écologie
“Emportée par une dérégulation inédite des processus de destruction création qui fondent l’ensemble de la biosphère, l’espèce humaine se différencie de plus en plus des autres et s’adapte à elle-même, au point d’en être profondément transformée biologiquement. Et elle doit peu à peu composer avec une nouvelle tension existentielle : sa propre action impacte son milieu, impacte le vivant, dont elle dépend pourtant. Afin de rester apte à créer, pour elle, les meilleures conditions de vie possibles à court terme, elle doit négocier avec les effets de son emprise, qui contrarient la création du vivant lui-même, et l’exposent à ne pas pouvoir entretenir à long terme ses propres conditions de vie.
Si la socialisation humaine repose sur une autodomestication favorable à la réduction de l’agressivité inter-individuelle et à la maîtrise des émotions, conditions sine qua non au développement des échanges symboliques, du langage et de la culture, il en serait de même pour tenir à distance le risque existentiel : une question de contrôle.”
Les cliniciens – médecins, soignants, psychologues, travailleurs sociaux… – n’ont pas spontanément le sentiment d’avoir quelque chose à apporter à la question écologique et civilisationnelle. Pourtant ce sont bien les mêmes logiques de destruction du vivant qui sont en train d’opérer dans leurs institutions soignantes, écosystèmes fragiles qui ne cessent de décliner : leurs ressources (humaines), leur habitabilité et l’environnement soignant étant envahis par le gestionnaire.
Cet ouvrage démontre que l’effondrement de la biodiversité, le dérèglement climatique et les déstabilisations civilisationnelles ont les mêmes racines que la crise des institutions de soin : un codage marchand envahissant autant le vivant que les soins, guidé par un fantasme de contrôle et l’impératif de jouissance.
Il est fondamental que les soignants se saisissent de ce qui traverse leurs institutions dans lesquelles ils ne se reconnaissent plus. Tout soignant doit réaliser que sa pratique repose sur une richesse : la fonction soignante ainsi que les valeurs soignantes inscrites dans la relation clinique, fondement de notre civilisation et moteur de notre humanisme.
Les directeurs d’ouvrage : Alexandre Sinanian est psychologue clinicien, docteur en psychopathologie, dirigeant du cabinet Practice ; Marco Liguori est psychologue clinicien, viceprésident de l’association Practice-Recherche ; Philippe Drweski est psychologue clinicien, maître de conférences à l’Université Paris Cité ; Davide Giannica est psychanalyste, docteur en psychologie, maître de conférences en psychologie clinique à l’Université d’Angers.
Les auteurs : Léa Boursier, Bruno Dallaporta, Michel J. F. Dubois, Elsa El Hachem Kirby, Roland Gori, Faroudja Hocini, Rozenn Le Berre, Jean-Paul Matot, Vincent Mignerot, Véra Nikolski, François Pommier, Marjorie Roques.