La température moyenne nous trompe sur l’avenir
Le 31 janvier 2018 le site Global-Climat commente une étude publiée initialement par Earth’s Future (American Geophysical Union). Cette étude rapporte, en appui sur des analyses statistiques effectuées sur une période de 50 ans, que le nombre de jours les plus chauds a connu un accroissement plus significatif que le réchauffement climatique lui-même. Cette tendance est exacerbée dans les villes, à cause de l’effet d’îlot de chaleur urbain.
Si je suis préoccupé par l’effondrement écologique et par ses effets sur notre adaptation, je suis aussi parmi les plus pessimistes sur la capacité de survie de l’humanité à terme, quel que soit ce terme, qui ne peut être connu (lire notamment : Écologie : trop tard pour agir… depuis toujours et Interview Thinkerview : hypothèse de la fin de l’humanité). Je crains dans l’ensemble que nous ne puissions nous affranchir de l’effet de la Reine rouge, le niveau de stress adaptatif pour nos sociétés ne pouvant désormais qu’augmenter avec le temps, ce qui est inédit historiquement. Nous serions condamnés à exploiter toujours plus les ressources et l’environnement… afin de nous adapter à la fin des ressources et aux dégâts que nous causons sur l’environnement, jusqu’à épuisement totale des possibles adaptatifs.
Aux sociétés, aux civilisations qui ont disparu jusqu’à présent, ont succédé d’autres communautés qui se sont déployées dans de nouveaux écosystèmes propices à l’existence humaine, suffisamment riches et stables. Mais nous ne disposons plus aujourd’hui d’autres écosystèmes à exploiter, l’ensemble de la biosphère étant impacté par nos activités. De plus, si le réchauffement climatique auquel nous assistons est déjà inquiétant sur le simple critère de la chaleur, il l’est surtout parce qu’il engendre globalement une plus grande instabilité écosystémique, irrémédiable. Le GIEC le soulignait déjà en 2015 : à partir de 1,5 degrés le changement climatique risquerait d’entrer dans une phase d’évolution non linéaire, aux effets globaux irréversibles et particulièrement hostiles à la vie dans son ensemble [mise à jour juin 2025 : le dépassement du seuil de 1,5°C paraît désormais inéluctable].
Ce que nous apprenons aujourd’hui sur l’augmentation de la fréquence des extrêmes, plus rapide que le réchauffement lui-même, confirme les risques pour la viabilité des écosystèmes dont nous dépendons. Toute notre alimentation repose sur un “équilibre écologique vital”, en particulier sur une dynamique des précipitations et des températures qui ne sorte pas d’un delta compatible avec les besoins des céréales et des légumes que nous cultivons (des records au-delà des 50 degrés sont désormais mesurés régulièrement dans des pays autrefois plus tempérés, et sont attendus en France également).
Le risque que ces températures extrêmes font courir est celui d’une perturbation accélérée de cette dynamique autour de l’équilibre écologique vital. Un écosystème qui subit des températures auxquelles il ne peut résister est détruit à tout jamais, même si la moyenne annuelle lui est supportable. Si un écosystème est détruit et que ses conditions d’existence ont disparu (à cause du changement climatique), il est impossible de revenir en arrière : lorsque l’humus a disparu, il a disparu (ou il faut un temps très/trop long pour qu’il se reconstitue), lorsqu’une espèce végétale ou animale est éteinte, c’est définitif, lorsque la chaîne alimentaire qui définit un écosystème est rompue, c’est irrémédiable, etc. Au-delà de certains seuils, et pour les besoins de court terme du vivant et des nôtres, les dégâts engendrés par un climat trop chaotique sont irréversibles, ils ne peuvent être compensés et sont strictement cumulatifs.
Nous entrons dans un inconnu existentiel. Nous allons tenter de nous adapter à des valeurs moyennes de température, mais ce sont les valeurs extrêmes occasionnelles qui nous exposent en réalité au plus grand péril, en particulier parce que l’agriculture souffrira de façon très importante de ces extrêmes.
S’il faut donc plus que jamais nous inquiéter d’un risque de déclin ou d’effondrement systémique, il paraît aussi primordial de ne pas rejeter l’utopie à “l’après”. Il est possible qu’il n’y ait pas d’après. C’est dès aujourd’hui que nous devons penser notre adaptation.
Source : Scientific Visualization Studio – Shifting Distribution of Land Temperature Anomalies, 1951-2020 – https://svs.gsfc.nasa.gov/4891 (ajout 2022)
Mise à jour juin 2025, modification du titre, précédemment : “La moyenne des températures n’est pas un bon indicateur”
Pour aller plus loin :
Les températures extrêmes grimpent plus vite que la tendance moyenne — Global Climat
Le syndrome de la Reine Rouge, François Roddier, Institut Momentum
Future changes to the intensity and frequency of short‐duration extreme rainfall
[…] 2100. Une température pour 2100 de 3 à 5 degrés supérieure voire de 5 à 8 degrés (voir La moyenne des températures n’est pas le bon indicateur – complément du 3 février 2018) promet pour le 22ème siècle une biosphère extrêmement […]