Piège existence, Photo par James Lee

Le piège de l’existence

Piège existence, Photo par James Lee

Cet article est extrait de l’ouvrage Le Piège de l’existence. Il introduit la notion d’inéluctabilité de la survenue d’une fin pour l’adaptation humaine, d’autant plus certaine que l’humanité tenterait de l’éviter.

La compétition

Voici comment l’essai La solitude est impossible (ESRTS : nouvelle édition de l’Essai sur la raison de tout) propose de comprendre la réponse typiquement humaine à la compétition pour l’existence :

4.3.17 PRINCIPE D’HUMANITÉ

Le principe d’humanité est la contribution à l’annulation de la solitude, par sélection des objets vivants les plus performants dans la complexification du lien, spécifiquement capables d’emprise dérégulée, ainsi que de rejet des effets destructeurs de cette emprise, dans tout milieu où ce principe est possible.

Aucun être humain ne peut se soustraire à ce principe. Quelle que soit la sollicitation, dès lors qu’elle peut atteindre nos compétences, nos savoirs, nos certitudes, quoi que ce soit qui nous permette d’assurer la permanence de notre être physique, psychique, social, nous ne pouvons pas ne pas y répondre, sans quoi nous risquerions immédiatement de remettre en cause la stabilité de l’inscription existentielle de notre être physique, psychique, social au sein de la communauté. C’est le risque de cette marginalisation, de ce rejet par ceux dont nous dépendons qui oblige à l’action.

Le cadre de la compétition (ESRTS §2.3.3), sans lequel rien de ce qui fait le monde n’aurait eu motivation à être, n’est cependant quasiment jamais directement évoqué dans les débats sur les crises en général et totalement absent lorsqu’il s’agit d’écologie. C’est pourtant lui qui nous pousse à maintenir au plus haut notre pression sur l’environnement.

Il est aisé de prôner la décroissance, l’économie sociale et solidaire, l’abandon des monnaies, le retour à des pratiques agricoles extensives, affranchie de la pétrochimie… mais cela ne se peut que dans l’occultation que le moindre lâcher prise (affaiblissement de la compétitivité économique, affaiblissement de la valeur des monnaies, réduction des rendements agricoles…) de la part des mieux attentionnés d’entre nous les fera reculer instantanément dans la course – mondiale – à l’existence, au profit d’autres qui auront eu moins de scrupules.

Il faut souligner d’ailleurs que souvent les plus prompts à penser possible l’abandon des avantages ou la réduction de l’activité globale humaine pour réduire la pression sur l’environnement sont aussi ceux qui subissent le moins la pression de la compétition… parce qu’ils vivent déjà dans des pays au niveau de confort très élevé. Les peuples des pays émergents, qui n’ont pas encore pu profiter de protection sociale, de salaires minimaux et de soins de qualité à moindres coûts, même s’ils peuvent évidemment avoir une conscience aigüe des problématiques environnementales n’en désirent pas moins réduire le plus possible, comme les plus riches d’entre nous, les contraintes de la compétition et atteindre un niveau de confort plus élevé.

Personne n’a fondamentalement envie de couper des forêts millénaires pour étendre ses cultures, personne ne souhaite que tout le sable des plages disparaisse définitivement sous nos routes et dans le béton de nos maisons. Mais si un quelconque gain existentiel (pécuniaire, matériel…) est rendu possible pour l’humain et même si nous sommes conscients de ses effets négatifs (voir ci-après : Théorie écologique de l’esprit), si ce gain peut nous rendre plus compétitifs pour affirmer notre existence alors aucune rationalité ne sera possible et la destruction sera opérée. Nous défendons nos liens, coûte que coûte.

En outre, oublier de mentionner la compétition dans les propositions censées nous sauver implique de devoir proposer une théorie universelle d’évolution dont la compétition ne serait pas le moteur, ce qui n’a jamais été fait jusqu’à aujourd’hui, invalidant de fait la pertinence de toute invitation au lâcher prise.

Un système d’objets (inerte, vivant, humain) peut-il seulement exister s’il n’est pas compétitif ?

Le piège

Ce dont nous dépendons

La méthodologie à laquelle se soumet l’essai La solitude est impossible pour tenter d’atteindre une « théorie de tout » impose de tenter de ne rien omettre de ce qui permet et a permis l’existence de ce que l’on souhaite analyser.

Comprendre l’humain par exemple, sa singularité, ses talents, ses paradoxes et ses contradictions implique de prendre en considération tout ce qui aura été nécessaire à son apparition, à l’écriture de son histoire et qui est encore utile à son existence dans l’instant.

Si ESRTS parvient à reprendre l’histoire de l’évolution pour toutes choses et depuis l’origine de toute histoire possible, nous ne considérerons dans ce texte que les éléments définissants les plus signifiants et pertinents pour caractériser et mettre en sens le piège de l’existence pour l’humain. Chacun de ces éléments, et tous ceux qui ne seront pas évoqués (mais qui font partie de la même histoire évolutive) pourront être reliés à tout autre grâce à la proposition théorique ESRTS.

Ainsi, quel humain saurait expliquer sa présence au monde sans tenir compte de l’histoire de ses propres aïeuls, directs, indirects, ainsi que des ancêtres qu’il n’a pas connus ? Qui nierait que chacun de ces ancêtres a établi des relations, de courte ou longue durée avec quantité d’autres humains, pour assurer ses besoins essentiels, commercer, établir des liens amicaux, échanger sur le sens de la vie, fonder une famille… ? Qui nierait que ces humains, tous reliés, ont opéré chacun leur emprise sur le monde, le transformant à leur avantage, travaillant la terre, travaillant à l’usine ou dans l’ingénierie, fabriquant des maisons, circulant en automobile, en avion… chacun de ces humains liés à notre filiation n’ont-ils pas aussi leur propre histoire relationnelle avec la communauté humaine agissant, se perpétuant, évoluant ?

Si le passé montre déjà notre dépendance à une vaste matrice historique, celle-ci bien-sûr se perpétue dans l’instant, sans quoi rien de ce que nous sommes aujourd’hui ne pourrait prendre sens. Nous pérennisons nos liens avec la communauté humaine et celle-ci fait de même avec chacun de nous dans la justification existentielle réciproque. Nous sommes par les autres, les autres sont par nous.

Qui que nous soyons, quoi que nous fassions, nous entraînons avec nous un système de relations ancien et actuel, aux ramifications potentiellement infinies mais strictement insécables. Rien de ce que nous sommes ne serait possible sans toute autre existence humaine passée et présente (et non humaine, se référer à l’essai La solitude est impossible pour la réinscription de l’humain au sein d’un processus évolutif universel).

Ainsi se referme sur l’humain le piège de l’existence :

S’il n’est possible à aucun humain qui a plus d’avantages que ses ancêtres qui vivaient au paléolithique d’avoir aucun de ces avantages sans qu’ils soient issus d’une atteinte à l’équilibre écologique vital, aucun d’entre nous, quoi qu’il fasse, même une action dite écologique, si celle-ci reste peu ou prou en lien avec la communauté humaine qui n’est plus celle du paléolithique ancien, alors elle participe à l’évolution de cette communauté qui détruit son environnement.

Alors que nous ne souhaitons rien d’autre que ce que tout objet revendique dans l’Univers (du lien), nous ne pouvons le faire que dans l’héritage et la perpétuation de la totalité du système anthropotechnique, dans la compétition avec tout autre humain pour participer au mieux à l’existence et à l’évolution de ce système, sans quoi nous risquerions de passer à côté de nos propres possibilités d’existence et d’évolution.

Nous pouvons le dire autrement :

Exister exige de constituer toutes les formes de liaison possibles avec l’environnement. L’humain ne peut le faire qu’en subtilisant à la vie ses potentialités de liaison, entraînant avec lui tout le système anthropotechnique destructeur, subtilisant encore, et au-delà de son action directe des possibilités à la vie de se maintenir.

Parce qu’il ne peut échapper au piège que l’évolution lui aura tendu (lui offrir la capacité de renforcer ses potentialités d’existence dans la destruction de la vie dont il dépend), la création peut-être la plus complexe de l’univers – le cerveau humanoïde – aura eu l’existence parmi les plus brèves au regard des infinies dimensions de l’espace-temps.

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