transition énergétique

Transition énergétique et responsabilité autonome

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Jean-Marc Jancovici était le 7 novembre 2019 l’invité de Guillaume Erner dans son émission L’invité(e) des matins, sur France Culture.

Transition énergétique : avons-nous encore le temps ?

« Au lendemain de l’amorce formelle du retrait américain de l’Accord de Paris, l’environnement et la problématique des nouvelles sources d’énergie sont une fois de plus au cœur de toutes les préoccupations. Sera-t-il bientôt trop tard pour changer de modèle énergétique ?  »

Une émission qui témoigne de la difficulté de sortir du débat d’opinion dans le domaine de l’énergie, peut-être en tant que le débat d’opinion serait utile au maintien du statu quo dans l’acquisition d’avantages existentiels pour l’humanité, au détriment des équilibres écosystémiques.

Parmi les hypothèses que je propose pour comprendre notre incapacité à résoudre toute question de protection de notre milieu et d’anticipation d’un avenir contraint, deux sont illustrées lors de cet entretien.

– La pensée en systèmes isolés, liée à la théorie écologique de l’esprit que j’envisage, permet des présupposés incompatibles a priori avec la réalité. L’idée par exemple qu’une substitution des énergies menant à une transition énergétique, ou simplement à un amortissement d’un déclin économique, serait possible grâce à un sous élément du mix énergétique global n’est pas fondée sur des observations prenant en compte la totalité des paramètres en jeu. L’énergie nucléaire est, dans l’émission sur France Culture, principalement évoquée, mais le raisonnement est à mon sens valable pour tout mode de production d’énergie espéré vertueux (énergies dites de subtitution : ENS). Aucune ENS n’existe ni en France ni nulle part indépendamment de l’histoire et de l’actualité de l’ensemble du mix énergétique, ensemble qui est à ce jour dans son entier seul capable de fournir au monde la puissance économique permettant de répondre aux besoins primaires de 8 milliards d’humains, aux demandes de pouvoir d’achat, de remboursement des dettes, à la satisfaction des prestations sociales etc. Envisager une substitution ne tient actuellement que du récit qu’il serait possible d’extraire une ENS de son histoire et de sa dépendance actuelle à une économie strictement fondée sur un mix énergétique mondialisé. Ce récit paraît être conditionné à une pensée en silo.

– L’humanité n’ayant pas initialement un problème écologique mais un problème existentiel qui génère un problème écologique, son ambition première ne semble pas pouvoir être de réduire intentionnellement ses potentiels d’existence (voir Sébastien Bohler : le Bug humain). La résistance collective au changement se résout selon les hypothèses que je propose par une conflictualisation facilitant la procrastination, conflictualisation fondée sur une polarisation rivale de diverses pensées en systèmes isolés. Aucune ne considérant la question existentielle dans son entièreté, celle-ci se retrouve favorablement évacuée des débats par les récits qui la dissimulent.

La coopération autour de conflits procrastinateurs servirait à ne pas mettre en oeuvre une décroissance volontaire en contexte de rivalité généralisée et de pression forte de la compétition (décroissance désormais promue par Jean-Marc Jancovici et dont je parle dans une intervention à Sciences Po). Cette perspective adaptative est la seule qui serait vertueuse à long terme. Mais elle exposerait le premier pays, la première communauté qui la réaliserait vraiment à une remise en cause existentielle immédiate, passant par la perte de souveraineté économique et politique.

Sous cette contrainte de rivalité et de forte pression de la compétition, chaque acteur de la pensée écologique défend le récit qui définit sa niche existentielle (pro/anti nucléaire ou ENR, pro/anti technologie en général…), récit permettant une défausse de responsabilité par substitution causale (si rien ne change c’est la faute des ingénieurs, c’est la faute des politiques, c’est la faute des journalistes…). Les récits de défausse de responsabilité permettent sans doute à l’ensemble des humains exposés aux risques existentiels à court terme de repousser le changement de comportement jusqu’à la survenue de la contrainte physique, qui imposera le changement de l’extérieur.

Je qualifie ce mouvement de « dichotomie à l’axe » : une polarisation des conflits qui ne change rien à la trajectoire globale et qui pourrait même la renforcer, verrouillant chaque jour un peu plus la possibilité de la faire dévier. La seule façon de vraiment réduire les risques aujourd’hui, en tout cas de chaos par décharge violente de responsabilité, serait de déconflictualiser les débats au profit de la mise en oeuvre de compromis adaptatifs fondés sur la responsabilité autonome : ce que chacun agit dans l’acquisition d’avantages existentiels, sur le plan individuel ou à l’échelle de choix collectifs ne relève de la responsabilité que de celui qui agit, non d’une entité tierce (les peuples, l’évolution, la thermodynamique, le capitalisme…) désignée arbitrairement coupable des effets de ses propres actions.

Sommes-nous seulement capables d’appliquer un principe de responsabilité autonome ?

Image : Deux tours de refroidissement avec en arrière-plan des éoliennes. Crédits : RelaxFoto.de – Getty

 

1 Comment:

  • Je suis très attristé par le comportement du journaliste, qui non seulement n’écoute pas ce que dit l’invité, non seulement ne respecte pas ce que demande l’invité, mais de plus lui coupe régulièrement la parole. Une des pires interviews du moment, et bravo à Monsieur Jancovici d’avoir gardé son calme.

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