Écologie : trop tard pour agir… depuis toujours
Avant-propos
Nous nous questionnons sur la soutenabilité de nos sociétés en contexte de crise systémique. Parviendrons-nous à nous adapter au changement climatique ? Saurons-nous remplacer nos ressources énergétiques, que nous savons limitées, par d’autres, disponibles sur le long terme ? Pourrons-nous dépasser la fin des matières premières pour construire un autre monde, plus sobre, de surcroît plus respectueux de l’environnement ?
Si nous n’y parvenons pas et que les civilisations hypertechnologiques d’aujourd’hui disparaissent, d’autres pourront-elles leur survivre et prolonger longtemps l’histoire humaine ?
Cet article est une introduction à la théorie écologique de l’esprit proposée dans les ouvrages référencés ci-dessous. Il est tenté ici d’éprouver quelques-uns de leurs arguments au regard d’un avenir aux perspectives inquiétantes.
– Le piège de l’existence : Pour une théorie écologique de l’esprit, Éditions SoLo, 2015
– Essai sur la raison de tout, deuxième version : La vérité, Éditions SoLo, 2014
– Synesthésie et probabilité conditionnelle : Lire le langage de programmation de l’Univers, accéder à une théorie de tout ?, Éditions SoLo, 2014
Les données sur lesquelles s’appuie l’article ont été mises à jour régulièrement depuis 2014. Les mises à jour sont précisées et datées.
Plan :
Au-delà des contraintes énergétiques et de la disponibilité des ressources, la question de la survie de l’humanité à long terme, après la survenue d’un très hautement probable déclin au cours de ce siècle, semble contrainte par celle du climat. Car si nous l’oublions parfois, notre existence physique dépend avant tout d’un équilibre écologique vital qui ne peut varier que dans une certaine mesure avant de la remettre en question. Le réchauffement climatique, dont nous sommes responsables et dont nous observons déjà des effets globaux inquiétants (désertification, acidification des océans, augmentation de la fréquence et de l’intensité des phénomènes météorologiques extrêmes…) met particulièrement en péril ce dont tout corps humain dépend strictement : la possibilité de se nourrir.
L’inquiétude est grande de voir les rendements agricoles baisser à cause des dérèglements du climat (Le réchauffement climatique va provoquer une baisse des rendements agricoles – INRA / Rendements agricoles : la grande panne – Science et Vie). Certaines terres subissent déjà un recul de productivité notable à cause de perturbations atmosphériques d’une ampleur inédite : une grande partie de l’agriculture du continent américain a par exemple été touchée cette année (2014) par une sécheresse sans précédent, impactant gravement les récoltes (Une nouvelle sécheresse frappe l’Amérique du Sud et Sécheresse en Californie : le temps du sursaut pour l’Amérique ?).
L’agriculture intensive, forcée aux intrants issus du pétrole, pose aussi la question du maintien de la fertilité des sols. Mais quelles que soient les techniques agricoles que nous utiliserons demain, toutes dépendront d’apports équilibrés en eau, de températures ne dépassant pas certains seuils, et les effets négatifs déjà visibles du dérèglement climatique sur cet équilibre de la dynamique atmosphérique ne sont encore que peu représentatifs de ce qui pourra advenir demain. La possibilité pour l’humanité de se nourrir au cours des siècles à venir, dépendant donc de ce que son activité passée aura impacté le climat, détermine à elle seule la réponse à la question de sa survie.
Les mesures sur le réel témoignant de la détérioration de notre environnement, la compréhension de certains éléments de la dynamique climatique, les dernières découvertes sur le fonctionnement de l’esprit humain ainsi que les aménagements défensifs que nous mettons collectivement en place pour éloigner la révélation du pire font craindre que l’humanité puisse ne pas survivre à elle-même. Ce texte introduit une contextualisation de la question d’un maintien possible par l’humain d’un équilibre écologique vital qui éviterait sa fin par autodestruction, question plus longuement développée dans les ouvrages cités ci-dessus.
« Chaque jour qui passe ajoute aux dangers que court l’humanité. Elle paiera cher le « progrès » qu’elle ne cesse de faire. Les moyens de préserver la vie sont dérisoires auprès de ceux qui sont susceptibles de la détruire ; et, quoi que l’homme entreprenne, il ne pourra jamais avoir raison de cette disproportion. Ce qui met des mois ou des années à pousser, on l’anéantit en un instant. Ce qui rend la destruction en général si immorale, c’est sa facilité. »
Cioran, Cahiers
1. Évolution autonome du climat ?
Même si l’humanité stoppait tout impact sur l’atmosphère dès aujourd’hui, il est probablement trop tard pour sauvegarder des conditions climatiques viables à long terme.
Le réchauffement climatique dû initialement à l’activité humaine entraîne par lui-même des modifications de la biosphère et des sols qui peuvent participer au réchauffement climatique, au-delà de tout impact humain. Ce processus s’appelle une boucle de rétroaction positive. Nous en avions le soupçon jusqu’à cette année mais cela a été confirmé par plusieurs études : certaines de ces boucles de rétroaction positive semblent enclenchées.
Il existe plusieurs boucles de rétroaction positive :
– La fonte des glaces et manteaux neigeux, qui accélère réchauffement par diminution de la réflexion de la lumière du soleil et absorption de sa chaleur par les sols (réémission infrarouge)
– L’augmentation des poussières liées à la désertification peut aussi noircir les surfaces enneigées ou glacées et accélérer leur fonte
– L’augmentation de la fréquence et de l’intensité des sécheresses et des canicules participe également à transformer les forêts fragilisées en sources de gaz à effet de serre
– Le réchauffement des océans diminue leur capacité d’absorption de CO2, et peut accélérer la concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère
– (…)
Mais les plus inquiétantes sont celles qui libèrent du méthane et des hydrates de méthane enfouis dans les terres gelées et sous les océans. Le réchauffement climatique en cours fait fondre le permafrost, libérant ainsi les gaz à effet de serre et le réchauffement des océans (qui absorbent plus de 93 pourcents du réchauffement anthropique !) vient déstabiliser le sous-sol océanique où sont stockées des quantités considérables de ces gaz à effet de serre, si hostiles à l’équilibre écologique vital (lire Skeptical Science : Wakening the Kraken).
Source : Politis.fr – Pergélisol : une bombe en sous-sol
« Même si les scientifiques avouent avoir encore du travail pour préciser dans quelle mesure et en quel volume ce sera du CO2 ou du CH4 qui va être dégazé (notamment du fait des réactions chimiques du CH4), ils estiment que le permafrost deviendra pendant notre siècle un « émetteur net de gaz à effet de serre » et n’excluent pas que les émissions pourraient augmenter « de manière radicale » en raison du réchauffement rapide de la région arctique. La décomposition du carbone du permafrost pourrait durer des milliers d’années, renforçant donc évidemment les concentrations atmosphériques de CO2 et de CH4. Au cours du 21ème siècle, les émissions de CO2 et de CH4 issues de ce dégel pourraient être de l’ordre de 50 à 250 gigatonnes de carbone (Gtc), selon le rapport du GIEC. »
(…)
« Le vice du CH4 ne s’arrête pas là. Son couplage avec les radicaux OH, qui constituent le principal puits à méthane (4), conduit dans le temps à une amplification significative de l’impact des émissions. En effet, les scientifiques expliquent qu’une augmentation des émissions de CH4 va faire baisser la teneur en OH, ce qui va augmenter en retour la quantité de CH4 qui reste dans l’atmosphère et la réchauffe toujours plus. On a là une clé d’une éventuelle accélération de la concentration atmosphérique en méthane, donc du réchauffement global. »
Les hydrates de méthane, par Vincent Rondreux
Si le 5 novembre 2013 Vincent Rondreux utilisait dans son article encore le conditionnel pour évoquer l’enclenchement des boucles de rétroaction positives émettrices de méthane et d’hydrates de méthane, des données indiquent depuis que ces GES seraient déjà émis, en grande quantité. Il est impossible pour l’humain de stopper une boucle de rétroaction positive aux dimensions de la biosphère et de la géosphère, et celles-ci se renforceraient naturellement jusqu’à un point haut de température atmosphérique encore mal estimé, mais certainement incompatible avec le maintien d’une production alimentaire suffisante et stable pour l’humanité :
« Si la totalité du carbone emprisonné dans le pergélisol venait à être relâchée, cela pourrait avoir des conséquences dramatiques pour le réchauffement climatique », explique Florent Dominé, qui évoque une augmentation de 5 à 8 °C de la température d’ici à 2100, quand le pire scénario du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec)2 se situe aujourd’hui à 4 °C, faute de prendre encore en compte ces processus complexes, mis au jour récemment. »
Pergélisol, le piège climatique – CNRS
« Quelques lignes aux très lourdes conséquences dans le rapport du GIEC sur le climat (2013) : le méthane voit doubler son rôle comme gaz à effet de serre ! Une nouvelle donne qu’il faudrait absolument prendre en compte dans la lutte contre le changement climatique, notamment dans les discours sur le gaz de schiste. »
La bombe climatique cachée dans le rapport du GIEC – Terra Eco
Mise à jour du 2 février 2018 : si en 2014 les inquiétudes concernant le méthane provenaient du risque de fonte accélérée du pergélisol ou d’un dégagement depuis les hydrates de méthane océaniques, aujourd’hui les relevés ne semblent ne pas confirmer ces craintes. Toutefois l’augmentation de la quantité de méthane dans l’atmosphère n’est pas invalidée, et les sources pourraient être l’activité humaine (exploitation du gaz naturel), ainsi qu’un dégagement depuis les écosystèmes tropicaux qui pourraient souffrir de la dérégulation du climat. Les « puits de méthane » (qui réabsorbent le gaz émis naturellement ou artificiellement) semblent également être en baisse progressive de capacité, ce qui maintient l’inquiétude quant à une boucle de rétroaction positive.
Mise à jour 2021 : les derniers travaux du GIEC s’inquiètent du rôle du méthane et du protoxyde d’azote dans le dérèglement du climat.
Mise à jour du 7 avril 2022 : La hausse du méthane atmosphérique atteint un nouveau record en 2021, par global-climat.
Quoi qu’il en soit aujourd’hui les climatologues confirment la trajectoire des 3 à 5 degrés à l’horizon 2100. Une température pour 2100 de 3 à 5 degrés supérieure voire de 5 à 8 degrés (voir La moyenne des températures n’est pas le bon indicateur – complément du 3 février 2018) promet pour le 22ème siècle une biosphère extrêmement détériorée… l’agriculture, même locale et raisonnée, n’y résisterait probablement pas, l’humanité verrait sur ce simple critère ses conditions de vie remises en question (aujourd’hui, les dérèglements observés sont dus à une hausse de température de… 0,85 degrés (valeur de 2014, 1 degré pour l’année 2018, 1,1 pour 2021) – Climat : 5 rapports du GIEC, 5 chiffres alarmants, Le Monde).
Il existe des boucles de rétroaction négative, qui pourraient participer à la réduction de la température atmosphérique. Mais celles-ci, en particulier l’absorption du CO2 par les océans ou par les forêts semblent déjà impactées négativement par nos émissions de gaz à effet de serre (la forêt amazonienne éponge de moins en moins le carbone). Leur action bénéfique sera de loin inférieure à ce qu’il faudrait pour ralentir les boucles positives.
Autre point sur une évolution climatique qui dépasserait toute capacité pour l’humain d’agir sur elle : l’atmosphère ne réagit pas instantanément à la modification de sa composition par l’humain.
Bien qu’il soit assez difficile de trouver des références sur ce temps de réaction (hystérésis, inertie climatique, ou encore “climate lag”), celui-ci a pourtant été estimé, et selon les sources disponibles il se chiffrerait en décennies, aux alentours de 40 ans. Le climat mettrait 40 ans à atteindre le réchauffement provoqué par une quantité x de gaz à effet de serre ajoutée à l’atmosphère (note 2018 : la valeur de l’inertie climatique retenue pour les scénarios du dernier rapport du GIEC semble se situer autour de 10 à 20 ans et l’inertie n’est pas de nature géophysique mais sociétale. Voir les données actualisées.)
Nous sommes, en 2014, à la date de la rédaction de cet article, déjà inquiets de ce que nous observons, et nous tentons de penser une action concrète pour ne pas que les choses empirent… mais nous réagissons à un monde qui date des années 1970, alors même que le monde de 2050 est déjà écrit ! Nous sommes en décalage psychologique et émotionnel de 80 ans avec la réalité (note : quelle que soit la valeur et la cause de l’inertie climatique, le raisonnement sur le décalage psychologique et émotionnel reste sans doute valable).
Le climat que nous observons, éprouvons, et auquel nous croyons nous adapter n’est pas du tout celui qui est déjà écrit pour l’avenir. Par les boucles de rétroaction positive et par l’inertie atmosphérique (note : sociétale), un autre monde existe déjà de façon certaine, qui adviendra quoi que nous fassions. Les valeurs de dérèglement qui sont acquises promettent pour les prochaines décennies des conditions de vie particulièrement hostiles.
Que pourrait-on dire, d’ailleurs, du message colporté de-ci de-là, qui clame qu’une hausse de 2 degrés en 2050 serait soutenable ? Cette affirmation est méthodologiquement spécieuse, aucune période de l’histoire n’est comparable à celle que nous vivons. Une augmentation de 2 degrés en 150 ans, ça n’est qu’un instant à l’échelle des temps climatiques.
Mise à jour du 25 mai 2015 : le GIEC et l’ONU expriment qu’à partir de 1,5 degrés le changement climatique entrerait déjà dans une phase d’évolution non linéaire, aux effets globaux irréversibles et particulièrement hostiles à la vie dans son ensemble.
Mise à jour du 2 février 2018 : le GIEC confirme le risque de dépasser les 1,5 degrés de réchauffement dès 2040.
Mise à jour du 6 avril 2022 : selon le dernier rapport du GIEC, le seuil des 1.5 degrés de réchauffement pourrait être atteint dès 2030.
Si l’évolution autonome du climat vers un invivable dérèglement pourrait être considérée acquise, d’aucuns se questionnent sur la possibilité qu’un arrêt ou une baisse des émissions de CO2 au cours des prochaines décennies parvienne à ralentir, peut-être empêcher l’emballement que nous venons d’évoquer. Outre qu’il ne se trouve attesté par aucun fait jusqu’à aujourd’hui, alors qu’états et citoyens sont informés depuis longtemps déjà, cet espoir se voit contraint par des facteurs psychologiques et existentiels à mon sens irrévocables, en tout cas vérifiables malgré la difficulté de l’étude des comportements humains.
2. Le libre arbitre, cette (belle) illusion
La recherche contemporaine en neurosciences et sciences cognitives essaie de comprendre comment fonctionne la conscience et comment nous pouvons être dotés d’un libre arbitre. Bien que le débat ne soit pas clos sur leur interprétation, les résultats vont dans le sens d’une compatibilité d’un nouvel ordre : le cerveau serait une structure qui, bien que très complexe, serait régie par une logique déterminée, dont la conscience et le libre arbitre seraient des propriétés émergentes qui ne témoigneraient en rien pour le sujet de ce déterminisme qui les sous-tendrait.
Nous obéirions à des principes rigides, nos décisions seraient prises très antérieurement à notre réflexion consciente, et nous ne ferions que « suivre » le déroulement de notre vie en étant persuadés de la mener de front.
Bien que troublante, cette interprétation tient, au regard de résultats expérimentaux reproductibles et régulièrement vérifiés.
Stanislas Dehaene, professeur au Collège de France, explique comment notre cerveau pourrait être vu comme un outil de calcul de probabilité sur l’état du réel en fonction des expériences passées (Inférence Bayésienne, voir la vidéo : Le cerveau vu comme un système prédictif) :
« Pour résumer, la théorie Bayésienne fournit un modèle mathématique de la manière optimale de mener un raisonnement plausible en présence d’incertitudes. Dès la naissance, le bébé semble doté de compétences pour ce type de raisonnement probabiliste. L’inférence Bayésienne rend également bien compte des processus de perception : étant donné des entrées ambigües, le cerveau en reconstruit l’interprétation la plus probable. La règle de Bayes indique comment combiner, de façon optimale, les a priori issus de notre évolution ou de notre mémoire avec les données reçues du monde extérieur. (…) Enfin, de nombreuses décisions humaines semblent résulter d’une approximation de la règle Bayésienne d’accumulation d’évidence, combinée à une estimation de la valeur attendue des conséquences de nos choix. » Le cerveau statisticien : la révolution Bayésienne en sciences cognitives
Ce modèle du cerveau statisticien s’inscrit dans la lignée des résultats obtenus par B. Libet dès les années 1980 :
« C’est grâce à l’ingéniosité d’un dispositif expérimental dans lequel il fut demandé à des sujets d’appuyer sur un bouton et de bien prendre note de la position du point précis au moment où ils décidaient de fléchir le poignet, que la déconnexion entre le temps neuronal et l’émergence de la conscience a conduit Libet à construire une nouvelle interprétation du libre-arbitre. Il s’est en effet, aperçu que le laps de temps entre le mouvement de flexion du poignet et l’activité produite dans le cerveau, dit « potentiel de préparation motrice », allait de 300 à 500 millisecondes. Ainsi, alors que vous pensez prendre une décision, à votre insu, un groupe de neurones prépare l’émergence de votre intention. »
De tels résultats ont invité les scientifiques à se questionner sur la valeur de réalité de notre vie intérieure. Ces débats restent encore peu connus mais pourront devenir centraux, car ils participent à comprendre comment nous avons pu en tout sentiment d’impunité opérer la destruction de notre environnement, sans avoir aucunement la sensation de mal agir, ou même encore d’agir par nous-mêmes dans l’instant un risque existentiel pour demain (Que dit la science de la valeur de la volonté humaine ? – Human volition : towards a neuroscience of will – P. Haggard).
Aujourd’hui, c’est bien la question de la responsabilité qui est explorée sous un angle nouveau, au regard d’un libre arbitre remis en question (Moral responsibility and free will: A meta analysis – Florian Cova), et la philosophie désormais ne peut plus proposer de concept sans tenir compte des données des neurosciences :
Avant demain, Épigenèse et rationalité – Catherine Malabou, interview (extraits) :
« Or, à l’inverse, ce que j’essaie d’organiser dans mon livre n’est pas simplement un dialogue avec la biologie. Je me demande bien plutôt si la philosophie ne dépend pas, dans sa démarche ou ses concepts, de processus biologiques, si l’acte même de penser n’est pas toujours soutenu par des opérations neuronales. »
« On ne peut pas par exemple faire comme si les découvertes récentes sur le cerveau n’existaient pas. Il y a une sorte d’inertie en philosophie, qui repose sur l’idée qu’on ne peut rien prévoir, rien déterminer. Or, le réel, c’est toujours, quoi qu’on en dise, une affaire de détermination. »
« Il faut dégager aujourd’hui la vie de tout discours à la fois religieux, biopolitique et existentiel. »
Ce que nous dit la science de notre fonctionnement au regard de la contrainte écologique c’est que si nous sommes capables de nous tromper sur notre nature profonde et croire à une réalité intérieure qui ne correspond en rien à notre fonctionnement neurologique réel, le support à l’élaboration de croyances est potentiellement infini, et il ne peut plus être écarté que la croyance que nous survivrons à tout en soit réellement une, de même que d’autres croyances plus simples mais aux effets concrets tout aussi désastreux : croyance en la possibilité pour l’humain de protéger l’environnement, croyance en la possibilité d’opérer une transition énergétique.
Il est admissible que nous soyons des êtres vivants soumis à un déterminisme évolutif inviolable, et que si la fin de l’humanité est inscrite dans ce déterminisme, nous ne pourrons y échapper que dans nos croyances, mais pas concrètement.
Ironiquement, alors même que l’existentialisme a beaucoup déconsidéré, voire méprisé la foi et les religions, le jugement de l’évolution, attestant de l’incapacité de notre volonté à sauver à la fois le monde et nous-mêmes pourra nous faire réaliser que faire confiance au libre arbitre est être porteur de la plus fragile… et de la plus naïve de toutes les croyances. Nous pourrions l’exprimer de façon plus légère : ce que disent les expériences sur les capacités de calcul probabiliste du cerveau à partir de l’expérience du passé, c’est que l’existentialisme a eu sa légitimé autrefois (au temps de l’opulence), mais qu’il est désormais disqualifié (par les limites de l’adaptabilité), et que les existentialistes ne le savent pas encore…
Les ouvrages proposés en tête d’article participent à élaborer une théorie écologique de l’esprit : une modélisation de la nécessité évolutive pour l’humain d’acquérir la capacité à élaborer des chaînes de causalité artificielles afin notamment de se tromper lui-même sur le monde. L’humanité est l’espèce qui est parvenue à dépasser les contraintes de la régulation de la vie par la vie, pour bénéficier des ressources de l’environnement à son seul avantage, au prix de la destruction de l’équilibre écologique vital.
L’humanité serait la seule espèce qui soit devenue capable de se raconter des histoires et de s’adapter en fonction d’elles plutôt qu’en fonction de la réalité perçue.
Cette capacité demande une construction particulière de l’esprit, nécessairement dépendante du support physique qu’est notre corps. Si les neurosciences découvrent aujourd’hui les limites de nos illusions, il tient à chacun de nous, ne serait-ce que par principe de précaution, de s’interdire de faire une confiance aveugle à ce qu’il pense du réel pour opérer une adaptation à terme, en particulier désormais que nous constatons l’étendue concrète des dégâts que nous sommes capables de commettre en étant sincèrement persuadés de bien faire
La « prise de conscience » n’a pas fait ses preuves, et elle n’a plus la science avec elle.
3. La compétition interdit la protection de l’environnement
Qu’en serait-il si nous espérions malgré tout pouvoir dépasser ce qui semble pré-écrit au cœur de nos structures cérébrales, peut-être dans nos gènes et dans les lois mêmes de l’adaptation humaine, extension particulière des lois de l’évolution ?
D’ailleurs, ces lois, ne disent-elles pas aussi que nos comportements sont contraints par la compétition entre les membres d’une communauté et entre les communautés elles-mêmes ?
Selon l’équation de Kaya notamment, le niveau de « progrès » (de confort, de sécurité, estimé par le PIB d’un pays) de nos sociétés peut être considéré comme indexé à la quantité d’énergie qui les traverse, ainsi qu’aux émissions de CO2 (équation de Kaya : CO2 = Population x PIB/Population x Énergie/PIB x CO2/Énergie). Alors qu’aucune transition énergétique n’est observée et qu’elle n’est peut-être pas possible dans l’absolu, envisager d’émettre moins de GES en réduisant la consommation de pétrole et de charbon serait immanquablement proposer de réduire notre niveau de vie… et cela induit un recul dans la compétition existentielle, à l’échelle de l’individu, de la famille, qui sera moins capable de se soigner ou de prendre soin de ses proches et de ses enfants, ou à l’échelle de la communauté : un pays qui réduirait volontairement son PIB reculerait instantanément dans la compétition internationale. Proposer donc de réduire notre niveau de vie signifie demander aux individus et aux peuples de faire des efforts à leur désavantage direct. Pourquoi feraient-ils ces efforts puisqu’ils seraient sûrs d’être perdants ? Même si à terme les efforts auraient protégé l’avenir, la compétition, elle, se joue bien dans l’instant.
La prise en compte du cadre de la compétition dans la problématique écologique implique que toute demande de changement de comportement soit porteuse d’un principe totalitaire, plus ou moins bien dissimulé : si nous voulons réduire notre impact sur le monde, il faut que tout le monde accepte de réduire son niveau de vie. Tout le monde, car si ne serait-ce qu’une petite partie ne le faisait pas, elle dominerait immédiatement ceux qui auraient fait ces efforts. Formulé autrement : la seule solution pour que tout le monde change, alors que le changement est un risque adaptatif, c’est que quelqu’un ou quelque chose l’impose. Ce quelqu’un ne pouvant pas apparaître parce que la communauté humaine sélectionne préférentiellement les dirigeants qui maintiennent les illusions (non ceux qui en disant le vrai obligeraient à réduire le niveau de confort et de sécurité), celle-ci dans son ensemble procrastine jusqu’à ce que ce soit quelque chose d’extérieur à elle qui fasse un choix total, en l’occurrence les effets délétères de la destruction de l’environnement.
La compétition interne à l’humanité autorise la décharge de responsabilité sur un autre humain arbitrairement désigné coupable de tous les maux, et les conflits intérieurs empêchent l’acceptation qu’absolument tous les membres de la communauté humaine, sans exception, sont responsables de la destruction de l’équilibre écologique vital. Le conflit intérieur à l’humanité continuera, en détruisant le climat, jusqu’à ce que nous ne puissions plus alimenter le conflit, parce que nous ne pourrons plus nous alimenter (lire la Loi de la dichotomie à l’axe et L’avenir de l’humanité : la paix absolue).
Reste une question en suspens : en attendant que la destruction de l’environnement détruise l’humanité, comment pourrait s’opérer, lorsque les conditions de vie seront plus critiques qu’aujourd’hui, les relations entre les différentes options comportementales que nous pourrions suivre ?
Tout prophète d’un solutionnisme idéalisant (un militant dénataliste, ou pour la promotion de la décarbonation des sociétés, du nucléaire, du low tech, un défenseur des énergies renouvelables ou de la géoingénierie, un activiste permaculteur, végétarien…) ne demande-t-il pas implicitement au monde entier de changer de comportement selon une considération partielle du réel… une considération partiale ? Que cela pourrait-il dire du fantasme sous-jacent ? Que tout le monde change selon l’arbitraire avis d’un seul ou de quelques-uns ? Et comment la cause la plus forte demain dans la compétition pourrait-elle s’imposer aux autres ?
Le terme « solution » devrait être écarté de notre vocabulaire lorsqu’il s’agit de considérer une question totale, en particulier lorsque cette question évoque une fin.
[Lire aussi, à propos de la nécessaire distinction entre compétition et rivalité : Discussion autour de la notion de compétition]
4. Un effondrement salvateur ?
Si nous avons relativisé l’efficacité d’une prise de conscience et que la compétition contraint nos espoirs, un dernier pari pourrait malgré tout être fait par les plus optimistes.
La sauvegarde de l’environnement serait possible parce que les économies les plus puissantes, les plus performantes, qui sont aussi les plus polluantes et les plus dépendantes au pétrole pourraient s’effondrer brutalement, par défaut de disponibilité d’énergie à bas prix, ce qui empêcherait de maintenir fonctionnelles les infrastructures qui consomment cette énergie et produisent de la richesse (industrie, chimie, agriculture…). Les économies effondrées n’auraient alors plus la possibilité de financer leur propre fonctionnement, l’environnement et le climat pourraient alors se voir épargnés par ce déclin qui précéderait une perturbation incompatible avec notre survie à terme. Ce pari est déjà osé en soi, car il signifierait un lâcher prise de centaines de millions d’humains et de leurs dirigeants, qui accepteraient définitivement de vivre dans un dénuement subi, avec une nourriture globalement de plus mauvaise qualité, des services de soin gravement détériorés et une réduction des capacités de défense contre d’autres populations qui, subissant elles aussi l’effondrement, auraient malgré tout encore à leur disposition quelques armes toujours efficaces, quoique frustes.
Mais le lâcher prise définitif n’est pas un acquis, et nos économies pourront torturer les valeurs monétaires, les outils d’emprunt et les produits boursiers au-delà de l’absurde pour maintenir possible le financement de l’extraction, jusqu’à la dernière goutte du pétrole qui détruit notre atmosphère. N’est-ce pas, d’ailleurs, ce qui se produit en ce moment même ?
Il y a plus inquiétant. De la même façon que nous avons cru noble le fonctionnement des marchés durant la seconde moitié du 20ème siècle, alors qu’ils travaillaient ardemment à construire une finance occulte circulant via des paradis fiscaux, si peu dissimulés d’ailleurs qu’il est surprenant que nous nous en soyons inquiétés si tardivement, il existe d’autres systèmes d’échange de valeur, certes plus sombres mais aussi intriqués à l’économie réelle que la finance occulte : l’économie mafieuse et criminelle.
Cette économie invisible (qu’on ne veut pas voir) est une proportion importante de l’économie réelle. Ce ne sont pas quelques pourcents, en aucun cas une partie congrue dont on pourrait ne pas se préoccuper.
Voici quelques ordres de grandeur qui, s’ils seront à ajuster, pourront l’être aussi vers le haut parce que par définition, toutes les données ne sont pas accessibles.
Dictionnaire de l’économie – Larousse :
« Économie souterraine : Richesses produites à l’insu des pouvoirs publics, hors du circuit des impôts et des contributions sociales.
L’économie souterraine, parallèle ou « informelle », n’apparaît que depuis très récemment dans les chiffres du PIB des pays développés, mais il s’agit forcément d’estimations très vagues. Elle n’est pas seulement un phénomène réservé aux pays en développement, où son poids est souvent supérieur à 30 % du PIB ; elle concerne aussi les pays riches, en particulier ceux de l’Europe occidentale, où le phénomène prend une ampleur de plus en plus grande. Avec la mondialisation économique, les législations nationales n’évoluent pas au rythme souhaité par les entreprises, qui ont besoin d’une « flexibilité » et d’une liberté d’action accrues. L’économie souterraine leur offre cette marge de manœuvre désirée, tout en sapant les bases de financement des prestations sociales et des services publics. »
À qui Daech vend-il son pétrole ? – Huffington Post, 11 octobre 2014 :
« Si le marché des hydrocrabures est censé être transparent et le pétrole traçable, il existe aussi un marché bien plus opaque. (…) maquiller l’origine d’un pétrole est clairement faisable. Pour cela, deux solutions: soit le mélanger avec un pétrole “identifié” soit en détruisant les preuves de son origine c’est-à-dire en falsifiant le certificat d’origination. Et vu que ce dernier est délivré par les chambres de commerce locales, on imagine bien les fraudes qui peuvent exister dans un pays qui souffre de corruption.
Ces procédés sont ceux utilisés par les réseaux clandestins. « Souvent dans des situations d’embargo ou de conflits, des réseaux parallèles se mettent en place. Cela a par exemple été le cas après l’invasion du Koweït par l’Irak et la mise en place du plan « Pétrole contre nourriture », rappelle Maïté de Boncourt. Ce plan, supervisé par l’ONU, a été mis en place pour subvenir aux besoins humanitaires des Irakiens après que le pays a été sanctionné économiquement. Entre 1996 et 2003, Bagdad pouvait vendre tous les 6 mois pour 2 milliards de dollars de barils à condition d’allouer les recettes à la population. Sauf que le gouvernement de Saddam Hussein met en place un vaste système de corruption pour détourner le plan. « Du pétrole de contrebande est également vendu aux frontières, rapportant 11 milliards de dollars au régime baasiste », rappelle Le Monde. « Daech ne fait qu’utiliser d’anciens canaux parallèles, dont ceux qui existaient a cette époque », poursuit Maïté de Boncourt.
Peut-on faire sans les paradis fiscaux ? – Slate, 17 avril 2013 :
« Aussi, lorsque l’OCDE estime que les échanges entre les filiales de groupes internationaux (les transferts intra-groupes) génèrent 40 à 60 % du commerce international, on comprend à quel point les paradis fiscaux sont devenus un élément structurant de l’économie mondiale! Ils sont en réalité devenus indissociables de la mondialisation. Ils la nourrissent autant qu’elle les favorise.
En 2011, les exportations des pays membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ont porté sur 16.700 milliards de dollars, et les exportations de services sur 4.000 milliards. Et le tiers de ces quelque 20.000 milliards de dollars aurait transité par des paradis fiscaux. Inconcevable! »
Comment la cocaïne a sauvé les banques du crash financier ? – Nouvel Observateur, 19 octobre 2014 :
« Comme l’a souligné Antonio Maria Costa, qui dirigeait le bureau drogue et crime à l’ONU, les organisations criminelles disposaient d’énormes quantités d’argent liquide à investir et à blanchir. Les gains du narcotrafic représentent plus d’un tiers de ce qu’a perdu le système bancaire en 2009, comme l’a dénoncé le FMI, et les liquidités des mafias ont permis au système financier de rester debout.
La majeure partie des 352 milliards de narcodollars estimés a été absorbée par l’économie légale. Quelques affaires en ont révélé l’ampleur. Plusieurs milliards de dollars ont transité par les caisses du Cartel de Sinaloa vers des comptes de la Wachovia Bank, qui fait partie du groupe financier Wells Fargo. Elle l’a reconnu et a versé en 2010 une amende de 110 millions à l’Etat fédéral, une somme ridicule comparée à ses gains de l’année précédente de plus de 12 milliards de dollars. »
Interview de Jean-Pierre Goux, auteur du thriller scientifique « Ombres et Lumières » par Automates Intelligents :
« CJ : (Le crime organisé) Ce sont des marchés énormes…
JPG : Oui. Vu qu’il s’agit de marchés illicites, on ignore les chiffres exacts. Mais selon le dernier rapport du comité de l’ONU spécialisé sur ces questions (UNODC : United Nations Office on Drugs and Crime) sorti en octobre 2011, le chiffre d’affaires des activités criminelles illicites représenterait aujourd’hui 2 000 milliards de dollars. L’estimation qui circulait précédemment était seulement de la moitié… Avec de tels revenus, les mafias produisent plus de richesses que de nombreux pays du G8 et mériteraient d’y figurer. C’est une force et une menace devenue colossale, bien souvent invisible et qui ne connaît pas la crise…
CJ : …et qui s’en nourrit…
JPG : Oui. Plus la crise économique est grave et les populations malheureuses, plus les mafias se développent. C’était le moteur du premier cycle de développement des mafias. Le second viendra comme je le disais de l’exploitation de la finitude des ressources. Comme dans le tome 1, Ombres et lumières traite de transition écologique mais plus généralement de l’évolution de l’organisation des sociétés humaines. Il était donc indispensable pour moi d’introduire au sein de l’histoire une forte composante mafieuse. Parce que si les Etats n’en prennent pas conscience et ne réagissent pas à temps, la démocratie sera remplacée par une “voyoutocratie”. C’est déjà le cas dans certains pays comme l’Italie et le Mexique où les Etats n’arrivent plus à contrôler des zones de non-droit, qui deviennent petit à petit plus étendues que les zones de droit. Cette voyoutocratie n’a rien à voir avec celle que l’on dénonce en France : je parle ici de pays laissés à des tueurs sanguinaires et aux pires exploiteurs. Si on laisse faire ça, dans dix ou vingt ans, on reviendra dans de nombreux pays aujourd’hui “démocratiques” aux âges les plus sombres du Moyen-âge. »
En plus de son importante valeur relative, cette économie délictueuse a des qualités que l’économie réelle n’a pas (« économie réelle » ne veut pas dire grand-chose, tant elle est manifestement dépendante de l’économie souterraine) : elle est très plastique, protéiforme, diffuse (insaisissable) et, surtout, elle ne s’encombre ni de régulation contraignante ni de principes moraux : elle assume parfaitement d’appuyer sur la gâchette lorsqu’un exécutant ne travaille pas assez bien.
L’ironie veut que cette économie parallèle se soit certainement construite, justement, en parallèle de l’économie réelle, pour augmenter ses performances : en s’occupant du « sale boulot », elle a permis aux nations de promouvoir une économie propre, qui en façade ne finançait les guerres que pour obtenir la paix, non pour piller les ressources des pays agressés. L’économie réelle a financé des « armées de libération des peuples », quand l’économie parallèle s’occupait de financer l’ennemi (avec les mêmes monnaies) et, pour tout ou partie, de faire transiter « hors taxe », les fruits de l’avilissement forcé des pays attaqués. Nous avons pu, grâce à ce subterfuge, croire sincèrement en notre liberté et devenir de parfaits consommateurs automatiquement absouts de leurs achats, puisqu’inconscients de leur coût réel.
Désormais que la réalité nous contraint vraiment, que les illusions ne tiennent plus et que « l’économie réelle » perd de sa puissance, le pouvoir pourra revenir à ceux qui l’ont d’ailleurs peut-être déjà : ceux qui ont l’emprise concrète sur les ressources. Nul ne peut savoir quel nom aura la monnaie qui paiera les esclavagistes des mines de charbon dans 40 ans ou qui soudoiera le dernier état qui aura dans son sol les derniers barils de pétrole. Mais cette monnaie aura de la valeur, assurément.
Des successions de crises, de paliers vers le bas pourront avoir des effets de lissage temporel. Des effondrements économiques, plus ou moins localisés, de plus ou moins grande ampleur, pourraient « retarder » l’extraction des ressources, mais sans remettre en question que tout ce qu’il faudra sortir du sol pour soutenir nos sociétés déclinantes et achever le climat le sera.
Le réel n’est pas seulement ce que nous connaissons de lui et l’existence humaine ne se laissera pas anéantir sans tout faire pour résister. Elle ira chercher hors du cadre de la légalité les moyens dont elle aura besoin pour servir ceux qui auront su se placer stratégiquement sur l’échiquier du déclin, et qui remplaceront les naïfs.
Note : ce qui semble valable pour l’économie l’est certainement aussi déjà pour la protection de l’environnement et des espèces : nos initiatives n’ont pas de résultats globalement positifs aussi parce qu’elles sont en grande partie compensées négativement par le braconnage, le trafic, la pêche illégale… dont nous avons du mal à admettre l’importance et parfois même l’existence. Voir également l’effet Allee anthropogénique.
5. L’autodestruction est inscrite dans le principe d’humanité
Il n’est pas d’humanité sans technique. Ou, plus précisément, il n’est pas d’humanité sans technique qui l’autorise à exploiter l’environnement pour en obtenir un bénéfice adaptatif au détriment des autres êtres vivants.
L’humanité, ça n’est rien d’autre que cela : la capacité à dépasser les contraintes de la régulation de la vie par la vie, c’est-à-dire la sélection naturelle qui a pendant 3,8 milliards d’année éliminé tout être vivant et toute espèce qui aurait pu, en profitant pour elle seule de son milieu, empêcher la vie de se déployer dans son ensemble et au maximum de ce que l’environnement terrestre permettait.
Les trois ouvrages proposés en tête d’article développent chacun une part des questions sur la nature humaine au regard des contraintes de la relation à l’environnement.
Essai sur la raison de tout : inscription de l’humanité dans un contexte évolutif universel
Synesthésie et probabilité conditionnelle : hypothèses sur l’origine et le support du singulier esprit humain
Le piège de l’existence : en quoi l’humanité, malgré certaines de ses croyances, ne peut en aucun cas dépasser les lois de l’évolution
Sans développer plus ici la théorie écologique de l’esprit proposée dans ces ouvrages, nous pouvons retenir que la surexploitation de l’environnement est consubstantielle à l’humain et que c’est la singularité de la construction de sa psyché et de sa cognition, à partir d’un traitement particulier des informations provenant de la perception, qui lui a permis de maintenir possible – un temps – cette surexploitation, par invention de stratégies de contournement des écueils adaptatifs peu à peu rencontrés. Si certaines populations ont pu connaître de très longues périodes de latence, sans dégâts environnementaux majeurs, le potentiel de surexploitation était présent et sa mise en œuvre ne s’opérait en effet que sous la contrainte extérieure : épidémie, guerre, variabilité climatique, famine…
Comme il est proposé plus haut, l’humanité serait la seule espèce capable de se raconter des histoires et d’opérer son adaptation en fonction d’elles plutôt qu’en fonction de la réalité perçue, et toutes ses capacités originales (la complexité de son langage notamment) ne seraient issues que de ce talent, si pernicieux talent.
Ce principe d’humanité peut se résumer ainsi (Essai sur la raison de tout) :
4.3.16 Principe d’humanité
Le principe d’humanité est la complexification du lien par reproduction et sélection des êtres humains les plus performants dans la transformation active de l’environnement pour le bénéfice humain ainsi que dans la capacité à rejeter les effets destructeurs de cette transformation.
Se demander si l’humanité survivra au déclin, au regard de la fin des ressources et des perturbations écologiques revient à se demander si l’humanité parviendra, en fonction des conditions de vie d’un monde post-déclin, à établir une mode de relation à l’environnement qui en soit respectueux, même en condition de stress pour cause de compétition guerrière, de lutte contre la faim ou la maladie. La seule descendance de l’humanité qui pourrait survivre serait celle capable de ne plus du tout prendre le risque de surexploiter l’environnement, quelles que pourraient être les motivations à cette surexploitation. Elle ne serait alors plus humaine !
Elle serait en quelque sorte un “marronnage” de l’humanité (marronnage = retour à la vie sauvage), car le retour à une relation équilibrée à l’environnement signifie nécessairement ne plus avoir d’avantage sur les autres êtres vivants, cela serait l’abandon de toute technique, en particulier le feu, l’agriculture et la totalité des outils depuis peut-être la pierre taillée.
Si une communauté humaine survit au déclin des civilisations du pétrole, elle subira la tautologie du principe d’humanité : pour rester humain il faut détruire l’environnement, pour ne pas détruire l’environnement, il faut être incapable d’en tirer aucun bénéfice qui définisse l’humanité. La fin humaine est inscrite dans la définition même de notre nature, la seule question étant celle de « quand ? ».
Et que dire de ce « quand ? », alors que nous avons vu que des conditions environnementales stables – comme l’humanité en a connu longtemps – ne se retrouveront plus et que ce sont bien les limites de l’adaptabilité qui se rapprochent par la destruction active de l’équilibre écologique vital ?
Étienne Klein : Vous êtes venus en voiture ?
Étienne Klein est un physicien français né le 1er avril 1958. Il est ancien élève de l’École centrale Paris et a obtenu un DEA de physique théorique. Il a par la suite effectué un doctorat en philosophie des sciences et il a obtenu une habilitation à diriger des recherches (HDR)
6. Des processus, non une suite d’évènements
« Ce qui est, à mon sens, pure miséricorde en ce monde, c’est l’incapacité de l’esprit humain à mettre en corrélation tout ce qu’il renferme. Nous vivons sur une île de placide ignorance, au sein des noirs océans de l’infini, et nous n’avons pas été destinés à de longs voyages. Les sciences, dont chacune tend dans une direction particulière, ne nous ont pas fait trop de mal jusqu’à présent ; mais un jour viendra où la synthèse de ces connaissances dissociées nous ouvrira des perspectives terrifiantes sur la réalité et la place effroyable que nous y occupons ; alors cette révélation nous rendra fous, à moins que nous ne fuyions cette clarté funeste pour nous réfugier dans la paix et la sécurité d’un nouvel âge de ténèbres. »
P. Lovecraft, Le mythe de Cthulhu
Nous ne pourrons pas empêcher les mors sévères du piège de l’existence de se resserrer.
Nous n’avons à notre disposition que la possibilité de faire des mesures sur le passé, parfois, mais difficilement, sur l’instant et des estimations sur le futur. Au-delà de tout ce que nous rêvons de maîtriser avec tous nos outils et toutes nos techniques se jouent deux processus, que nos mesures ne circonscrivent pas et contre lesquels nous ne pouvons rien.
Un processus autonome, inaccessible :
Si toute émission de gaz à effet de serre pouvait être stoppée du jour au lendemain, le climat continuerait à évoluer de lui-même vers un état malgré tout hostile à terme à la survie humaine (note 2018 : la valeur de l’inertie climatique retenue pour les scénarios du dernier rapport du GIEC semble se situer autour de 10 à 20 ans et n’est pas de nature géophysique mais sociétale. Voir les données actualisées. Ici, ce qui serait “hostile à la survie humaine” serait l’ampleur de la diminution des avantages de court terme acquis par l’humanité qui ne peuvent l’être, à date, qu’en lien avec des émissions de CO2).
Un processus actif, irrépressible :
La perturbation du climat, nous ne pouvons pas exister sans. Nous n’avons pas d’autre choix que d’exercer une emprise destructrice sur l’environnement pour maintenir nos avantages adaptatifs (note : quoi qu’il en soit de l’inertie climatique, à date, les avantages acquis de l’humanité restent indissociables des émissions de CO2).
Ces deux processus sont irrémédiablement intriqués : plus l’équilibre écologique vital sera perturbé, plus le climat sera déréglé, plus nous exigerons des ressources qu’elles nous protègent, plus nous participerons à la continuation de la destruction du climat. C’est d’ailleurs ce qui se déroule déjà, nous ne réalisons simplement pas à quel point le monde est détérioré parce que nous siphonnons de toutes parts tous les moyens qui nous permettent de maintenir l’illusion protectrice.
Afin de nous protéger de la conscientisation de l’inaccessibilité et de l’incontrôlabilité des processus en jeu, nous les intellectualisons en parcelles, en segments, en ensemble de données, que nous traitons « toutes choses égales par ailleurs ». Le climat est perturbé par nos émissions de CO2 ? Voyons si nous ne pouvons pas les réduire (sans tenir compte de ce que cela signifierait pour nos avantages acquis). Nous sommes trop nombreux sur Terre ? Voyons si une politique de contraception ne pourrait pas être mise en place (sans tenir compte, en plus des questions morales évidentes, du lien entre natalité et niveau de vie, qui implique de devoir rendre plus riches, donc plus destructrices de l’environnement, les populations à fort taux de natalité). Il n’y a bientôt plus de pétrole et de charbon ? Mettons en œuvre les énergies renouvelables ! On me reprochera ce rapide procès, mais si les infrastructures des énergies renouvelables ne peuvent être ni construites ni entretenues sans une autre énergie que celle qu’elles produisent, elles participent à la pression sur les ressources énergétiques primaires, et ne leur survivront pas. Sans évoquer même la fin des métaux… (voir L’Énergie du déni, Éditions Rue de l’échiquier, 2021).
Mais si dans nos esprits si agiles, nous parvenons à cliver nos analyses en rejetant ce qui nous déplaît, le principe de l’existence, et de l’existence humaine en particulier, impliquent pour le réel l’empêchement absolu du « toutes choses égales par ailleurs » (Méthodologie universelle – De quoi dépend l’objet ?). Puisqu’il n’est pas d’humanité sans exploitation des ressources au-delà de toute régulation, si par un heureux mais improbable concours de circonstance, l’agriculture pouvait être sauvée, nous polluerions tous les cours d’eau et finirions intoxiqués. Si le climat pouvait être sauvé, nous stériliserions les terres et la faim nous éliminerait. Si le nucléaire ou les énergies renouvelables pouvaient être pérennes, nous consommerions jusqu’au dernier gramme toutes les matières premières et disparaîtrions par manque de ces matières premières.
Les processus en jeu concernant le déclin et la fin de l’humanité sont de ceux qui se renforcent d’autant qu’on essaie d’exercer une emprise sur eux (voir l’effet de la reine rouge). L’humanité est sa propre boucle de rétroaction positive. Tout dégât qu’elle commet, elle ne peut en réparer les effets qu’en exploitant encore son environnement, ce qui ne peut que générer d’autres dégâts.
Même s’il restait un espace terrestre relativement protégé après le déclin des civilisations du pétrole, cet espace serait lui aussi finalement dévasté, peu importe l’échéance. Le principe d’humanité est sa propre prophétie en perpétuelle auto-réalisation et le clivage, le déni de réalité lui étant indissociables, l’ultime prophétie ne manquera pas de se réaliser (sauf en cas de marronnage, nous l’avons vu, mais cela revient aussi à la disparition de ce qui définit l’humanité).
Ce principe qui singularise l’humain n’est d’ailleurs pas nécessairement un principe exclusif ! Il existe peut-être dans l’Univers d’autres mondes qui abritent la vie, dominés par une autre espèce intelligente. Et peut-être même que la planète de cette autre espèce est beaucoup plus grande que la nôtre, avec beaucoup plus de ressources. Quoi qu’il en soit, cette autre espèce intelligente se trouvera elle aussi confrontée, au bout d’un temps différent du nôtre, aux limites de son milieu, qu’elle continuera à exploiter en totale déraison, et sûrement en pleine conscience de l’imminence d’une fin. Parce qu’elle n’aura pas le choix, non seulement si elle veut maintenir sa vie possible malgré l’augmentation progressive des contraintes adaptatives, mais aussi tout simplement si elle veut rester intelligente (mise à jour du 6 février 2015 : Le paradoxe de Fermi et les extra-terrestres invisibles – « Une croissance de 2 % par an poursuivie pendant quelques millénaires grille presque nécessairement le système planétaire qui en subit l’expérience » – CNRS).
7. L’incertitude comme une défense, non comme de la prudence
Alors que notre esprit découpe, segmente, détoure le réel afin certainement de faciliter le traitement des données, mais surtout d’écarter celles qui sont incompatibles avec les intérêts même de l’esprit, un processus est par nature insaisissable, ne peut pas être circonscrit. Un processus est toujours changeant et aspire avec lui toutes données anciennes en en créant en permanence de nouvelles. En outre, il ne se définit, a contrario d’un évènement, ni par lui-même, ni par celui qui essaie de le penser. Son déroulé est régi par des éléments extérieurs non compris dans l’observable : les raisons du déclin humain ne sont pas contenues seulement dans la nature humaine ou dans la nature tout court. Elles sont leurs liens externes définissants, les lois primitives du monde, l’héritage de l’absolu qui se révèle enfin pour peut-être disparaître à jamais, en tant qu’une fois dit, sa parole ne pourra plus jamais être portée par personne.
Le foisonnement d’indicateurs, de statistiques, de calculs probabilistes sur le réel (toujours discutables !) ne nous dit rien sur une autre façon d’orienter nos comportements. Nos comportements ne sont pas dictés par des valeurs mais par des besoins. L’humain aura toujours besoin de surexploiter son environnement pour rester un animal singulier, peu importe la mesure de cette surexploitation. Les données ne peuvent nous instruire – et encore – que sur le tempo des évènements, en dessinant éventuellement un horizon… mais il faut même relativiser ce tempo et cet horizon, car les moyens que nous aurons d’opérer des calculs projectifs vont se réduire en même temps que nous perdrons les moyens de construire, entretenir et alimenter nos ordinateurs ou simplement même les instruments de mesure de demain, aussi low tech soient-ils !
L’avenir restera flou sur son déroulement, jusqu’à la fin. Seule l’issue est claire. Voilà pourquoi nous sommes tant attachés aux données, aux mesures, nécessairement imprécises. Elles nous dissimulent l’issue certaine. Les données ne font pas sens, même sous formes de belles courbes, de grandiloquents tableaux colorés. Il faut qu’un affect, qu’une émotion soit attachés à l’objet de connaissance pour que le corps et l’esprit puissent se l’approprier. Nous ne pouvons pas comprendre le sens des courbes car nous n’y attachons aucune émotion.
Dans ce même objectif d’éloigner le ressenti et ce qu’il nous dit de l’avenir, nous abusons largement de l’incertitude, au point de dévoyer la prudence scientifique pour construire un pare-feu d’ignorance factice. Sous le prétexte d’un dépassement des savoirs anciens, mais en en récupérant abusivement l’ambition de sagesse, nous avons promu un avenir totalement ouvert, aux potentialités infinies, déclarant l’humanité toute puissante devant les forces de la nature prétendument domptées. Mais l’issue était pourtant connue et même écrite depuis longtemps, y compris sous sa forme et sa réalisation. Nos mythologies ont annoncé, certainement avant même la période dite « historique », un ultime temps infranchissable, parce que nos aïeuls ressentaient, éprouvaient parfaitement les principes, les dimensions et l’ordre supérieurs, quand une certaine science, avide de liberté opératoire et d’indéterminisme, a perdu le sens et l’émotion des choses (Les Fins du Monde, de l’Antiquité à nos Jours, Jean-Noël Lafargue).
Désormais que nous redécouvrons dans le réel les limites de ce réel, parce qu’elles franchissent avec chaque jour plus d’aisance les remparts de nos froids dénis, nous devons nous résoudre à admettre que cette incertitude scientifique nous aura fait passer directement du « on ne sait pas » à « il est trop tard ».
Mais la science avait-elle vraiment le choix ? Ne devait-elle pas à tout prix maintenir éloigné d’elle le principe de précaution… parce qu’il aurait empêché la science elle-même ? Si nous avions vraiment cru ce que savaient les thermodynamiciens depuis bientôt 200 ans (Réflexions sur la puissance motrice du feu et sur les machines propres à développer cette puissance, Sadi Carnot, 1824), aurions-nous développé les moteurs thermiques et l’agriculture intensive ? Aurions-nous vraiment pu écouter les naturalistes et les lanceurs d’alerte du 19ème siècle ?
« (…) Négligeant toujours les conseils de l’expérience, pour s’abandonner à ses passions, il (l’homme) est perpétuellement en guerre avec ses semblables, et les détruit de toutes parts et sous tous prétextes : en sorte qu’on voit des populations, autrefois considérables, s’appauvrir de plus en plus. On dirait que l’homme est destiné à s’exterminer lui-même après avoir rendu le globe inhabitable. »
Jean-Baptiste de Lamarck, 1820
« Nous nous résignons donc à ne pas être compris aujourd’hui, bien certain qu’un jour viendra où ce livre ne fera que formuler l’opinion du monde. »
La fin du monde par la science, E. Huzar, 1855
La science se trouve aujourd’hui dans une position inconfortable : ce sont ses propres équations, connues de longue date, qui montrent qu’elle ne peut elle-même se faire sans détruire le monde (la thermodynamique, depuis Carnot, suffit encore, consulter aussi Thermodynamique de l’évolution, F. Roddier, 2013 et François Roddier par-delà l’effet de la Reine Rouge par Matthieu Auzanneau). Il ne serait pas surprenant que dans quelques années un retour critique sur la science passée et contemporaine lève le voile sur des pratiques euphémisantes voire obscurantistes, au cœur même des modèles et des méthodologies (Le travail de F. Roddier pourrait subir cette critique : si celui-ci est passionnant pour ce qu’il dit d’une logique et d’un déterminisme de l’évolution, les ouvertures sur l’avenir proposées restent sans fondement clair, voire antinomiques avec les principes thermodynamiques pourtant rigoureusement décrits).
Nous ne pouvions pas nous empêcher d’évoluer, de progresser, malgré les savoirs, malgré la prise de conscience. C’est la compétition pour l’existence qui nous y a contraints. Et quoi qu’on en pense les faits sont là et irrémédiables, entraînant avec eux malheureusement un risque nouveau : lorsque nous avions des doutes, il fallait faire de la science pour être plus sûrs. Désormais qu’il est trop tard… la science a-t-elle carte blanche ?
8. Conclusion
Il est trop tard… depuis toujours parce que nos espoirs et nos croyances (ou même notre ignorance !) ne réécrivent ni les lois de la thermodynamique, ni le principe d’évolution, ni le principe d’humanité. D’autant plus que rien de ces lois et de ces principes ne sont des données saisissables, mais des processus sur lesquels nous n’avons aucune prise.
Contrairement à ce que nous croyons, nous ne parlons pas, entre nous, humains, d’écologie afin de tenter de résoudre les problèmes. Nous savons bien d’ailleurs, par notre corps, à défaut de notre esprit, qu’ils sont sans solution et c’est ce qui nous angoisse profondément. Nous ne faisons que tenter de maintenir notre emprise sur des problématiques que nous avons travaillé ardemment à nous dissimuler depuis que l’esprit est apparu dans l’histoire (progressivement, depuis plusieurs centaines de milliers d’années), c’est-à-dire que nous maintenons la compétition pour savoir non pas qui parviendra à faire changer les choses, mais pour nous faire croire que cela est possible, contre toute raison, pour le bénéfice du maintien au plus haut de nos illusions procrastinatrices. Les fantasmes sur la protection de l’environnement inventent de nouveaux leaders charismatiques, aux discours plus absurdes et obscurs encore que ceux des prophètes anciens, mais la communauté en bénéficie pour ce qu’elle parvient à prolonger, un peu, son histoire…
Sans pouvoir estimer la date de sa survenue et sans avancer qu’elle pourrait survenir sans aucun sursis, après le déclin la fin du monde humain est certaine, d’autant plus que nous aurons des doutes sur cette fin. Nous utiliserons ces doutes comme justification de l’utilisation de toutes les techniques qui nous détruiront. Comprendre que l’autodestruction est inscrite dans le principe d’humanité n’est pas tenter de définir les moyens pour espérer les maîtriser mieux, c’est comprendre que tous les moyens sont bons.
Définition et références
Marronnage (définition CNRTL) : [En parlant d’un animal domestique] Qui, s’étant échappé, est retourné à la vie sauvage.
Boucles de rétroaction positive :
L’Obs : Réchauffement climatique et dégel du permafrost : la plus grave menace de l’humanité
“J’ai interrogé le spécialiste russe du permafrost, le professeur Sergey Zimov. Il pense que si la température terrestre augmente de 3-4 degrés, le permafrost va dégeler sur plusieurs dizaines de mètres de profondeur avant la fin du siècle.
Actuellement, il se réchauffe et fond en surface. S’il dégèle, il libérera dans l’atmosphère les gaz à effet de serre qu’il contient. La température sur Terre pourrait alors augmenter de plusieurs degrés ou dizaines de degrés supplémentaires.”
Skeptical Science : Wakening the Kraken
Libre arbitre :
Que dit la science de la valeur de la volonté humaine ? – P. Haggard, 2008
Moral responsibility and free will : A meta analysis – Florian Cova
Économie invisible :
– Interview de Jean-Pierre Goux, auteur du thriller scientifique “Ombres et Lumières” par Automates Intelligents
– À qui Daech vend-il son pétrole ? – Huffington Post, 11 octobre 2014
– Peut-on faire sans les paradis fiscaux ? – Slate, 17 avril 2013
– Dictionnaire de l’économie – Larousse
– Comment la cocaïne a sauvé les banques du crash financier ? – Nouvel Observateur, 19 octobre 2014
Autre :
Lafargue, J. N. 2012. Les fins du monde. Paris : François Bourin Editeur
Roddier, F. 2012. Thermodynamique de l’évolution « Un essai de thermo-bio-sociologie ». Aix-en-Provence : Editions Parole
François Roddier : par-delà l’effet de la Reine Rouge par Matthieu Auzanneau
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On s’en doutait… Vous l’expliquez très clairement.
Merci pour votre travail. L’accès à la réalité/vérité a des vertus consolantes…
Vincent, vous êtes de loin le plus pessimiste de toutes les personnes regroupés sous l’étiquette “collapso” (que le terne vous plaise ou non) et pas loin d’être mon préféré 🙂 C’est la première fois que je vous lis, après avoir visionné beaucoup de choses de vous et/ou vos collègues et il est certain qu’on ne peut aborder ces thématiques sans explorer un côté plus philosophique qui je pense est votre spécialité. Au plaisir d’en discuter de vive voix à l’occasion (elle se produira, je suis patient).
[…] survie de l’humanité à terme, quel que soit ce terme, qui ne peut être connu (lire notamment : Écologie : trop tard pour agir… depuis toujours et Interview Thinkerview : hypothèse de la fin de l’humanité). Je crains dans l’ensemble […]
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